Redécouvrir le Castor : L’ingénieur des écosystèmes
Le Père Castor nous a longtemps raconté des histoires, à nous, maintenant, de connaître la sienne…
Une espèce protégée
Il existe deux espèces de Castor dans le monde, le Castor d’Eurasie (Castor fiber) et le Castor du Canada (Castor canadensis), présents respectivement sur le continent eurasiatique et nord-américain. Ce mammifère semi-aquatique est le plus gros rongeur d’Europe avec un poids moyen de 21 kg et mesure jusqu’à 1,20m.
Plus habile dans l’eau que sur terre, grâce à ses membres postérieurs palmés, sa queue aplatie et sa fourrure imperméable, il est herbivore et se nourrit de branchages, feuillages, écorces. Les branchages lui permettent aussi d’édifier son gîte (le terrier-hutte), mais également des barrages en travers de certains cours d’eau. Il s’installe dans les milieux aquatiques (rivières, canaux, lacs, etc.) et vit sur un petit territoire (700 m à 3 km linéaires) en petits groupes familiaux de 2 à 6 individus.


Le saviez-vous ? Le castoréum est une sécrétion huileuse et odorante produite par des glandes spécifiques du castor. Il a longtemps été utilisé dans la médecine traditionnelle et comme additif alimentaire, agent aromatique et exhausteur de parfum. Bien qu’il ne soit pas interdit, son utilisation est aujourd’hui rare car son extraction nécessite la mort de l’animal.
Longtemps chassé pour sa fourrure, sa viande ou son castoréum, le castor d’Europe a failli disparaître au début du 20ème siècle. La déforestation et les aménagements hydrauliques massifs de la période industrielle ont également contribués à la destruction de son habitat. Depuis 1968, il est protégé sur l’ensemble du territoire national : son enlèvement, sa capture, sa détention, sa destruction ou sa mutilation sont interdits ainsi que la destruction, l’altération ou la dégradation de son habitat. Les infractions sont passibles de 150 000 € d’amende et de 3 ans d’emprisonnement. Grâce à ces mesures de protection, aux opérations de réintroduction ainsi qu’aux actions de sensibilisation, la population du castor d’Europe est en expansion : plus de 15 000 km de cours d’eau sont aujourd’hui concernés par sa présence (bassins du Rhône, Loire, Rhin, Moselle, Tarn, etc.).

Bâtisseur des milieux aquatiques
Souvent surnommé « l’ingénieur des écosystèmes » ou « le grand architecte des cours d’eau », le castor est bien plus qu’un simple rongeur. Selon le type de rivage, le castor érige des huttes sophistiquées et des barrages, s’approprie des embâcles naturels ou creuse des terriers pour assurer un abri sec à sa famille. Ces barrages composés de matériaux naturels (branches, boue, sédiments grossiers), laissent toujours l’eau s’écouler à travers eux, permettant la circulation des espèces dans les cours d’eau. Ils ne sont fixés ni dans l’espace ni dans le temps : ils évoluent sans cesse avec l’occupation du territoire par l’animal. Certains barrages sont abandonnés et se dégradent plus ou moins progressivement, tandis que de nouveaux peuvent être construits, parfois pour un usage temporaire. Ils constituent ainsi des éléments dynamiques du paysage et de l’écosystème, ce qui vaut au castor le titre de plus grand transformateur environnemental après les humains.
Un allier des écosystèmes
Les constructions des castors offrent une multitude de services écosystémiques :
- Gestion des eaux : Les barrages ralentissent le débit des cours d’eau, réduisant l’impact des crues et l’érosion des berges, même en cas de pluies intenses. Ils participent également à la recharge des nappes phréatiques et maintiennent un flux régulier dans les rivières en aval.
- Amélioration de la qualité de l’eau : Les plans d’eau créés par le castor agissent comme des stations d’épurations naturelles qui diminuent la concentration de l’eau en nitrates et pesticides par lagunage naturel (les microorganismes, les planctons et les plantes aquatiques purifient l’eau en absorbant les excédents de nutriments).
- Régulation climatique : Renforcées, les zones humides stockent davantage de carbone, principal responsable du changement climatique. De plus, les échanges entre l’eau des ruisseaux et les eaux souterraines rafraîchissent les cours d’eau. Des études ont démontré une baisse de température d’environ 2°C en contrebas des barrages.

Une biodiversité florissante
Là où le castor construit, on constate une forte hausse du nombre d’espèces en quelques années seulement. En rongeant, en creusant et en construisant des barrages, le castor crée un paysage qui se transforme en permanence. Une petite mare, un grand étang, un tas de bois mort ou une portion de forêt qui laisse entrer la lumière du soleil, créent des habitats diversifiés qui offrent nourriture, sites de reproduction et abris à de nombreux êtres vivants.
2024/25, l’année du Castor !
50 ans après sa réintroduction dans la Loire, la Société Nationale de Protection de la Nature (SNPN), l’Office Français de la Biodiversité (OFB) et leurs partenaires ont célébré cet emblème de la biodiversité avec des animations locales et nationales (jusqu'à l'été 2025) pour mobiliser les acteurs pour sa préservation.
Cohabiter avec le castor : vers une alliance écologique
La propagation du castor dans les petits ruisseaux a aussi entraîné des conflits ces dernières années, notamment en raison de dommages causés aux arbres et aux terres cultivées. Ces désagréments, cependant, peuvent être gérés par des solutions simples comme la pose de grillages ou de clôtures, et en versant des indemnisations pour les personnes touchées. Ces ajustements ne doivent pas occulter le rôle fondamental du castor en tant qu’acteur de régénération écologique. Pour le philosophe Baptiste Morizot, il incarne l’idée d’alliance inter-espèces : il travaille spontanément dans les rivières et restaure les écosystèmes. À ce titre, il devient un ambassadeur pour repenser notre rapport à l’eau, de manière à passer d’une logique d’exploitation à une culture de régénération et de sobriété en intégrant la résilience du vivant dans nos politiques. Cette démarche invite les sociétés humaines à valoriser les services qu’il rend et à s’inspirer de ses techniques pour accélérer la revitalisation des rivières.

Ressources :
https://www.ofb.gouv.fr/sites/default/files/Fichiers/Plaquettes et rapports instit/ofb-castor-europe.pdf

